Le poète russe Nikolaï Goumilev (1886-1921) est le fondateur du mouvement poétique appelé acméisme, théoriquement opposé au mouvement dénommé symbolisme. Si, avec le symbolisme, déjà de par son nom, le lecteur peut être relativement à l’aise, qu’en est-il de l’acméisme russe ?
Du grec akmè, « plein épanouissement », « apogée », l’acméisme naît en 1912. Les acméistes (Nikolaï Goumilev, Anna Akhmatova, Ossip Mandelstam, Gueorgui Ivanov, Mikhaïl Kouzmine, Sergueï Gorodetski…) reprochaient aux symbolistes (Alexandre Blok, Andrei Biély, Constantin Balmont, Viatcheslav Ivanov…) leur côté « incompréhensible », « opaque » dans la création poétique. Le poète russe Valérie Brioussov qualifiait le symbolisme de « poésie allusive ». Les acméistes prêchent le retour à la clarté, à la précision et à la « matérialité », pour ainsi dire, de la poésie ; ils perçoivent le monde comme un ensemble de choses simples, d’objets, de sentiments primaires ; ils veulent rendre au mot son « imaginaire concret », porter à l’apogée (c’est là que « akmè » commence à œuvrer) la dimension poétique du quotidien.
Les symbolistes russes, eux, voient le monde comme un idéal qui vit selon des canons de beauté éternelle, le mot est un symbole qu’il faut déchiffrer. Une autre clé de compréhension de la différence entre ces deux mouvements du Siècle d’argent russe, est l’attitude des poètes envers le monde : positive chez les acméistes, négative chez les symbolistes.
Viktor Jirmounski, chercheur en littérature russe, considérait que les acméistes étaient des poètes qui avaient dépassé le stade du symbolisme. Effectivement, l’acméisme comme courant littéraire, est apparu dans les années 1900 ; il était intimement lié au symbolisme : de jeunes poètes, qui s’étaient engagés sur la voie du symbolisme, se réunissaient tous les mercredis chez Viatcheslav Ivanov, à Saint-Pétersbourg ; vers 1906-1907 ; un petit « Cercle de jeunes » s’y est formé. Ils étudiaient, d’un côté, les principes de la création poétique symboliste, mais de l’autre, ils se sentaient à l’étroit avec le côté « crypté » de la poésie symboliste. En octobre 1911, le TSEKH POÈTOV a été créé : un atelier créatif où les futurs acméistes, prenant comme modèle les ateliers d’artisans médiévaux (« tsekh » est un atelier purement technique, en russe, tsekh poètov étant « atelier [d’artisanat] des poètes»), s’entraînaient à acquérir la maîtrise concrète et palpable de l’art de « "faire" de la poésie ». Sur la base du grand Tsekh s’est donc formé un groupe plus restreint et plus esthétiquement proche des acméistes tels que nous les connaissons.
Je vous invite à découvrir le grand acméiste russe et le fondateur de ce mouvement du Siècle d’argent russe, Nikolaï Goumilev, notamment Goumilev. Poésies choisies, l'anthologie traduite par Florian Voutev.
auteure de Sévérianine. Poésies choisies
et Un Nuage en pantalon de Vladimir Maïakovski en collaboration avec Elena Bagno.
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